Plaisir engendre Tolérance et Tolérance est mère de Liberté

Plaisir engendre Tolérance et Tolérance est mère de Liberté

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De la transmutation des moutons en cochons

Lire des livres érotiques, les faire connaître, les écrire, c’est préparer le monde de demain et frayer la voie à la vraie révolution.

Boris Vian, Utilité d’une littérature érotique, 1948.

François Boucher : "Hercule et Omphale"

François Boucher : « Hercule et Omphale »

Le thème de la sexualité s’impose à moi.

Oh, bien sûr, mes textes révèlent des préoccupations psychologiques, sociétales, environnementales, et peut-être même politiques – il paraît qu’une œuvre qui parle de la société parle toujours de politique, alors admettons – mais mon vrai sujet, c’est la sexualité, voilà.

À croire que mon inconscient se sent investi de la mission sacrée d’affirmer encore et encore que la volupté est un don précieux, qu’il est nécessaire de défendre et de cultiver.
À la réflexion, ma démarche, pour toute instinctive qu’elle soit, ne me semble pas dénuée de sagesse : il est urgent de parler en faveur du plaisir sexuel.

On l’a cru sauvé par la libération sexuelle des années 60, et pourtant, de plus en plus, le puritanisme envahit les médias. Je suis contrainte de m’assurer que les lecteurs qui téléchargent sur ce site des e-books un peu lestes sont non seulement majeurs, mais également prévenus qu’ils pourraient être choqués. Car le plaisir peut choquer, il paraît. Je voudrais bien savoir qui ! Et aussi savoir ce qui choque, exactement.

Gustave Courbet : "L'Origine du monde" 1866 - Paris - musée d'Orsay

Gustave Courbet : « L’Origine du monde » 1866 – Paris – musée d’Orsay

Peut-être est-ce le fait que l’on dévoile ce qui doit rester cacher, je veux dire les organes sexuels. Car, partout dans le monde, on est prié de ne pas se balader sans culotte. Alors, à force de ne pas les voir, ça devient un mystère, forcément. Quelque chose à quoi on s’imagine qu’on ne doit pas penser. Quelque chose qu’on finit par regarder à la dérobée, convaincu qu’on fait je ne sais quoi de mal. Je ne vois que ça.

Parce que, voyez-vous, si j’écrivais des romans policiers, ou guerriers, pleins de crimes, de trahisons, de violences et d’immoralités diverses, pourvu qu’elles ne soient pas sexuelles, je n’aurais pas besoin de m’assurer que mes lecteurs sont majeurs et avertis. Parce que la violence, ça ne choque pas. Forcément, nous sommes accoutumés depuis l’enfance à la voir partout : dans les journaux TV, dans les dessins animés, dans les jeux, dans les films et même dans la rue et jusque dans les cours d’école. Pas besoin de lui mettre une culotte, à la violence !
Où sont les années 80 et leurs films, leurs livres, leurs publicités, où la nudité s’exposait sans fausse honte, où la sexualité n’était pas honteuse ?

De nos jours, règne le politiquement correct : pas de femme nue, c’est objétiser la femme, pas d’enfant nu, c’est sexualiser l’enfant. Pour les hommes nus, on ne sait pas trop – du moment qu’ils ont l’air hétéro, parce que sinon, c’est choquant – ou peut-être trop sexuel, je ne sais pas.

Hermann Max Pechstein : "La Tentation"

Hermann Max Pechstein : « La Tentation »

Si je comprends bien, il faut cacher la nudité parce qu’elle éveillerait le désir sexuel. Désir supposé impossible à refréner, qui transformera donc à leur corps défendant d’honnêtes citoyens en animaux assoiffés de luxure.

La section Antiquités Grecques du Louvre doit connaître un taux de viols inégalé ! Faudrait penser à rajouter des feuilles de vigne aux statues.

Et pourquoi ne pas obliger les propriétaires de chiens à mettre des culottes à leurs animaux, pour ne pas risquer de déchaîner les pulsions des zoophiles ?
Voilà identifié ce qui coince : la supposée irrépressible pulsion sexuelle, cette pulsion animale.

Depuis la naissance de l’Humanité, l’Homme veut se différencier des animaux, afin de mieux affirmer sa supériorité sur eux. L’Homme, en inventant les armes, est devenu le plus grand des prédateurs. Pour garder cette position de suprématie, il doit prendre garde à ne pas perdre ses connaissances techniques : il ne doit pas retomber dans l’abrutissement de l’animalité. Il doit donc veiller inlassablement à se différencier de ses frères, les animaux : c’est ainsi que sont nées les religions et les lois.

Ces préoccupations de l’aube de l’Humanité nous poursuivent encore dans notre inconscient : n’est-on pas pressé de voir un enfant marcher (renoncer donc à avancer à quatre pattes, comme une bête ) et aussi parler ( le langage, le propre de l’Homme), et devenir propre (ouais, c’est sale, les animaux).

"Le Roi Lycaon changé en loup par Zeus", gravure du XVIe siècle

« Le Roi Lycaon changé en loup par Zeus », gravure du XVIe siècle

C’est encore la raison inconsciente pour laquelle la violence n’est pas stigmatisée, dans les dessins animés et les jeux : la violence est nécessaire pour que l’Homme reste le maître des animaux.
Il faut regarder les choses en face : quoi qu’il arrive, l’Homme ne risque pas de perdre son humanité. Nous ne marcherons jamais plus à quatre pattes, parce que notre physiologie nous le défend désormais. Nous ne perdrons pas notre aptitude au langage, parce que notre cerveau est fait pour. Nous ne perdrons pas notre suprématie sur les animaux, parce que nous les avons presque tous détruits – on fait même tout ce qu’on peut pour les protéger.

Il serait donc temps que nous apprenions à modérer notre appétence à la violence : les seuls animaux qu’il nous reste à détruire, c’est nous-même.
Mais revenons-en au sujet qui nous intéresse. La pulsion sexuelle inquiète, parce qu’inconsciemment ou consciemment, elle est assimilée à l’animalité.

Admettons-le une bonne fois pour toute, il y a bien longtemps que notre sexualité n’est plus animale. (Le viol n’est pas un désir sexuel au sens strict du terme, mais une volonté de domination ; c’est pourquoi il n’y pas de guerre sans viols.) Il n’y a que l’être humain qui ait conscience que le sexe débouche sur la reproduction. Il n’y a que l’être humain qui utilise des moyens de contraception. (C’est pourquoi les religions qui refusent la contraception sont en pleine erreur idéologique : à l’origine, elles interdisaient la fornication hors mariage pour maintenir l’Homme hors de l’animalité ; maintenant, elles veulent qu’on n’échappe pas à la Nature ! )

Marc Franz : "Deux Cochons"

Marc Franz : « Deux Cochons »

Seulement voilà, il y a longtemps que les divers gouvernements et leurs alliées naturelles, les religions, se sont rendus compte qu’une sexualité épanouie rend l’homme puissant et la femme triomphante. Le plaisir sexuel apaise et rend heureux. Les gens heureux sont des gens tolérants. Les gens tolérants sont des esprits libres. Plaisir engendre Tolérance et Tolérance est mère de Liberté.

Les gouvernements du monde entier n’ont que faire d’esprits libres. Il leur faut uniquement un peuple de moutons, prêts à être tondus et à aller à l’abattoir quand on le leur ordonne.

Cela s’obtient très facilement. Il suffit de faire régner la bêtise, la peur et l’intolérance.
Cessons d’être des moutons ! Soyons plutôt des cochons !

Le cochon ne se tond pas et, quand on le mène à l’abattoir, il hurle sa protestation. C’est parce qu’il a un caractère, lui, un caractère de cochon. Il refuse de se laisser abattre.

Oui, soyons des cochons et, copains comme eux, roulons-nous dans la boue sans complexes et sans culotte – la boue du si choquant plaisir sexuel -, et amusons-nous à y faire plein de trucs qu’on dit sales… des trucs cochons.

Plaisir engendre Tolérance et Tolérance est mère de Liberté.

Erin Liebt.