Haro sur le haro !

Haro sur le haro ! ou Qu'on les castre tous, on sera enfin tranquille !

Haro sur le haro !

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Qu’on les castre tous, et on sera enfin tranquille !

 

Qu’on les castre tous, et on sera enfin tranquille ! Qui ça, tous ? Eh, bien, je parle des ados, bien sûr ! Parce que les hormones de nos ados inquiètent les professionnels de santé français, figurez-vous ! Enfin, leurs hormones, non, c’est plutôt leur intérêt pour le porno qui les inquiète. Intérêt directement lié à l’afflux hormonal de la puberté (dès huit ou neuf ans, eh oui !), qui entraîne chez les deux sexes l’apparition des poils, le développement des zones sexuelles, la masturbation intempestive, et autres joyeusetés liées à la maturation sexuelle. D’où l’intérêt pour la sexualité ; d’où l’intérêt pour le porno. C’est paaaaas bien, les enfants ! Bref, plusieurs éminents toubibs crient haro sur le porno et en appellent au gouvernement pour qu’il sévisse – subjonctif de sévir, bien sûr, rien à voir avec quelques sévices que ce soient. Pour lire l’article du journal Le Monde sur ce sujet, cliquez ici.

Figurine en terre cuite d'Eros - Athènes - Musée de l'Agora Antique - 3ème siècle avant JC - Photo par Giovanni Dall'Orto

Figurine en terre cuite d’Eros – Athènes – Musée de l’Agora Antique – 3ème siècle avant JC – Photo par Giovanni Dall’Orto

Adolescent, mon ami, de quelque sexe et orientation que tu sois, méfie-toi ! Au dix-neuvième siècle aussi, les professionnels de santé français ont tiré la sonnette d’alarme sur tes pratiques. C’était la masturbation qui leur posait alors problème. La branlette, assuraient-ils, constituait un vrai danger pour le développement physique des enfants et des adolescents, entraînant épuisement, amaigrissement, anémie, abrutissement… Cette dangereuse pratique pouvait même, dans les cas extrêmes, mener au crétinisme ou à la mort pure et simple. Heureusement qu’ils étaient là, eux, les médecins, pour sauver la jeunesse française ! Car ils avaient la solution miracle, pour débarrasser les enfants de leurs mauvaises habitudes : l’ablation pure et simple du gland ou du clitoris. Ah ! Mais c’était pour leur bien, à ces chérubins. Pour qu’ils soient en bonne santé.

Alors, jeunes pubères et prépubères, méfiez-vous ! Quand, les toubibs commencent à rameuter l’opinion sur un problème, c’est qu’ils ont le traitement dans la manche, croyez-moi. Car, vous qui consommez du porno, vous êtes des additcs, si si, ce sont nos professionnels de santé qui le disent, et s’ils le disent, c’est qu’ils savent de quoi ils parlent. Sachez-le l’addiction, ou toxicomanie, est cataloguée comme une maladie. Et comme vous êtes addicts à cette chose scandaleuse, la pornographie, c’est que vous êtes aussi addicts à bien d’autres choses, car une addiction entraîne l’autre. Vous êtes donc aussi addicts aux jeux vidéos et aux réseaux sociaux, et l’isolement social vous guette, drogués que vous êtes !

Jardin des Délices - humanité panneau central detail 2 - Bosch

Jardin des Délices – humanité panneau central detail 2 – Bosch

Qu’est-ce que ça veut dire ? Tout simplement que quoi que vous consommiez en réalité en ligne, vous êtes catalogué comme étant addict, et par extension zieuteur fou de porno. Vous êtes donc malade. Combien parions-nous que les labos pharmaceutiques vont nous sortir de jolies petites pilules pour vous soulager de vos polyaddictions – et de vos branlettes, par la même occasion ? Gare à vos miches, les gosses !

Mais, pas d’inquiétude : les professionnels de santé français ont aussi des solutions douces, pour que vous ayez un comportement et une sexualité correspondant à leurs goûts : on vous donnera bientôt trois cours obligatoires par an de conformité sexuelle. Vous êtes contents ?

Qu’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas dit : je ne prône pas la consommation de porno par les minots et les ados.

Fermière - Camille Bombois

Fermière – Camille Bombois

Simplement, s’ils regardent, c’est que ça les intéresse ; si ça les intéresse, c’est qu’ils ont l’âge de regarder. Ils veulent savoir comment ça se passe et à quoi ressemble l’autre sexe, sous ses vêtements. C’est sain et légitime. Avant Internet, les revues de cul circulaient, et aussi les VHS du film porno du samedi soir de Canal. Et cela dès l’école primaire. Beaucoup d’adultes ont malgré cela une sexualité satisfaisante et des rapports assez corrects avec l’autre sexe, n’en déplaise à nos professionnels de la santé qui sont, soit d’une génération qui n’a même pas réussi à maîtriser un magnétoscope, et donc largement andropausés, soit complètement refoulés, et donc malades mentaux. Messieurs des labos pharmaceutiques, pensez à eux.

Tous ces Diafoirus veulent qu’on trouve le moyen d’empêcher absolument l’accès du porno aux mineurs. Et pourquoi donc ? Pour que cela ait encore plus d’attrait à leurs yeux ? Donnons-leur simplement accès à d’autres images affriolantes plus réalistes et moins sexistes. Il existe du porno féministe.

La Tentation de Saint Antoine - Joos van Craesbeeck - vers 1650

La Tentation de Saint Antoine – Joos van Craesbeeck – vers 1650

Que redoute-t-on exactement ? Que les jeunes prennent ces films pour la réalité vraie ? Pourtant on ne craint pas que les gosses ne deviennent des criminels en série en regardant des thrillers ou des films d’horreur. C’est vrai, quand ils regardent des contenus violents, on dirait que tout le monde s’en fout. Il faut croire qu’on leur octroie l’intelligence suffisante pour comprendre que ce sont des fictions, propres à leur faire ressentir sans danger le plaisir de la montée d’adrénaline liée à la peur. Peut-être estime-t-on que c’est le moyen de les libérer par catharsis de ce qu’il y a d’animal et de cruel, de joie à voir souffrir, dans notre nature soi-disant humaine – je doute quand même que nous soyons nombreux à pousser cette réflexion si loin. Bref, on semble considérer que les mioches ont suffisamment de bon sens pour ne pas s’inspirer de la violence de certaines fictions et qu’ils n’iront jamais dépecer la voisine. Et, dans la grande majorité des cas, c’est vrai qu’ils s’abstiennent. Pourquoi donc ne leur octroyons-nous pas le même bon sens en ce qui concerne le porno ?

Jardin des Délices - humanité panneau central detail 1 - Bosch

Jardin des Délices – humanité panneau central detail 1 – Bosch

Ce que je prescris, moi qui ne suis pas médecin, c’est moins de violence et plus de sexe. Et surtout qu’on valorise la culture sous toutes ses formes aux yeux des enfants. Parce que seule l’ouverture d’esprit peut nous donner un monde tolérant et tolérable. Alors oui, bien sûr, il faut donner aux gosses des cours d’ouverture à l’autre et à la sexualité. Pas trois par an, mais un par semaine et cela dès l’école maternelle. Parce que, si on veut un vrai respect entre les sexes, y compris dans les rapports sexuels, il faut commencer dès le plus jeune âge. En plus de l’enseignement physiologique, il faut étudier avec eux des romans et des tableaux et des photos et des films, d’abord d’amour, puis érotiques, puis pornographiques, et les remettre dans leur contexte – notamment historique – afin d’apprendre aux jeunes comment avoir une vision personnelle et un sens critique.

Parce qu’à mon sens, avoir une vaste culture sur le sujet et du recul, c’est un bon point de départ, pour arriver à une sexualité épanouie.

 

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