Dieu est mort, les Élus sont pourris, vive E.T. !

Dieu est mort, les Élus sont pourris, vive E.T. !

ou

De la peur d’être libre

 

Bourdon Sébastien : "Le Buisson Ardent"

Bourdon Sébastien : « Le Buisson Ardent »

On pourrait se croire revenus aux temps des miracles bibliques : les aveugles qui voient, grâce à des capteurs bioniques ; les sourds qui entendent, par le même biais ; les morts qui ressuscitent, sous les impulsions électriques des défibrillateurs ; les femmes qui enfantent des bébés-éprouvettes et ce même au troisième âge et, de toutes façons, sans rapport sexuel ; les voix et les images qui voyagent à travers l’éther, encore plus fort que Dieu s’adressant à Abraham ou à Moïse !

Tant de miracles devraient emplir l’Humanité d’espoir et de joie et pourtant le sentiment qui semble dominer, c’est la terreur – sauf chez quelques scientifiques coupés du réel qui trouvent notre époque formidable. Il faut dire qu’il y a de quoi se méfier, car les miracles dont l’Homme est responsable s’inspirent explicitement de ceux de la Bible : ils prennent majoritairement le visage de la violence. Car la Bible – quoi que votre grand-mère ou votre curé vous en ait dit -, n’est pas un bouquin rassurant – Dieu est amour et tout et tout – ; c’est un conte terrifique.

Eh bien oui ! Les guérisons et les bénédictions du genre de l’apparition de la manne céleste ou de la multiplication des pains, ça ne concerne qu’une poignée d’Élus. Du début à la fin, on vous explique que vous avez intérêt à avoir choisi le bon Dieu, et à vivre de la façon qu’Il vous dit, si vous voulez faire partie de ceux qui seront sauvés. Et des fois, ça ne suffit même pas – demandez donc à Job ! Parce que la Bible, ça raconte surtout des histoires de punitions terribles, sans parler des destructions massives – pensez à Sodome et à Gomorrhe. Dieu, voyez-vous, il est du genre père fouettard : qui aime bien châtie bien, etc… bref, l’éducation telle qu’on la prônait avant mai 68 – à grands coups de tatane dans la gueule : « Vas-y pleure, tu pisseras moins. »

John Martin : "La destruction de Sodome et Gomorrhe 1832"

John Martin : « La destruction de Sodome et Gomorrhe » 1832

L’horreur biblique, on est en plein dedans : on a maintenant les moyens techniques de déclencher l’Apocalypse, et on le fait. On peut détruire des populations entières en lançant sur elles d’épouvantables épidémies, et on le fait. On peut détruire des villes par une pluie de feu, et on le fait. Par l’eau aussi – on a submergé déjà pas mal de bleds, pour cause de barrage hydroélectrique. Le déluge, c’est pour bientôt – on nous prévoit une bonne montée des eaux dans les années qui viennent – ; c’est vrai que, dans ce cas précis, c’est pas fait exprès. Faut croire que l’eau obéit moins bien que le feu et les virus.

Les temps bibliques, je vous dis  ! Rien n’y manque, pas même les prophètes et les martyrs. Ah si, pardon ! II y manque bien quelque-chose : Dieu.

Eh, oui ! Les miracles et l’Apocalypse, c’est l’Homme qui s’en charge.

L’Homme est devenu Dieu.

Non, pardon ! Ça manque quand même de précision : ça sous-entendrait que chaque individu de notre espèce génère des miracles et, bien sûr, ce n’est pas le cas.

Disons donc : l’Homme civilisé est devenu Dieu.

Tss ! Tss ! Encore trop imprécis.

Les élites des pays civilisés sont devenues Dieu.

Voiiiilàààààà qui est plus proche de la réalité ! Les puissants de ce monde ont pris la place de Dieu.

Lorenzo Veneziano : "Le Christ sauvant l'apôtre Pierre de la noyade" 1370

Lorenzo Veneziano : « Le Christ sauvant l’apôtre Pierre de la noyade » 1370

En fait, il y a un moment qu’il est techniquement dépassé, le Dieu de la Bible : les manipulations génétiques, le clonage et les greffes, il n’en est question ni dans l’un ni dans l’autre de ses Testaments. C’est d’accord, Jésus marchait sur les eaux sans paddle, mais il n’a jamais volé dans les airs, ou alors seulement pour l’Ascension – mais ça ressemblait plutôt à une sorte de téléportation et on nous la promet pour bientôt. Et en tout cas, bien que réputé porteur de lumière, il n’a jamais voyagé à sa vitesse. Il n’a jamais visité la Lune ou Mars, ni envoyé des sondes explorer l’espace intersidéral – le Royaume des Cieux qu’il nous fait miroiter est dans les nuages et pas plus haut.

Exit Dieu ; place aux élites. C’est la science qui leur a donné le pouvoir. Pouvoir de vie et de mort : défibrillateurs et bébés-éprouvettes, bombes sales et arme nucléaire. Leurs satellites ont pris la place physique de Dieu, au-dessus des nuages, et poubellisent l’espace dans un seul but : le pouvoir. Pouvoir militaire, intimidation et espionnage des pays voisins, et pouvoir global sur l’esprit du peuple. Satellites qui diffusent paroles et images afin que, partout, on pense ce que l’on doit penser. Pensée unique. Castration idéologique. Lobotomie générale. Le bonheur est dans la dépendance et le supermarché.

Ce n’est plus l’œil de Dieu qui est sur nous : Google, NSA, vidéo-surveillance, écoutes téléphoniques, cartes à puce et satellites espions s’en occupent bien mieux.

Ah, bien sûr, cela ne s’est pas fait en un jour : il a fallu, pour que l’Homme devienne Dieu puis le dépasse, qu’il atteigne un certain niveau de connaissances scientifiques. Mais, maintenant qu’on a exploré la Lune, on le sait – on a bien regardé : il n’y a pas de vieux barbu siégeant sur un trône de nuages. Pas non plus de nains ailés asexués. La création de l’Univers est expliquée et l’Homme est un singe comme les autres.

William Blake : "L'Ancien des jours"

William Blake : « L’Ancien des jours »

Il était temps ! Il a fait bien assez de dégâts ce barbu-là ! Enfin, ces trois barbus-là – n’oublions pas que les dieux des trois monothéismes ne font qu’un – il n’y a que les prophètes qui changent. On peut même remonter encore plus loin : ils en ont fait des dégâts tous ces dieux barbus du polythéisme – la barbe, symbole universel de force et de pouvoir – qui ont pris l’ascendant sur la Déesse-Mère du Néolithique, depuis Enlil et Osiris, en passant par Ahura Mazdâ et Zeus, et dont la mue périodique nous a donné les trois dieux du monothéisme.

Nous leur devons toute notre civilisation : guerres, intolérance, le pouvoir à une élite, légitimation des riches. La terre aux puissants, asservie, dévastée, violée, surexploitée. Les femmes pareil. Les enfants idem. Les faibles itou. Castration généralisée, esclavage, glorification de la souffrance et de la bêtise… « Venez à moi les moutons et les petits enfants ! Écoutez donc le lavage de cerveau de mon Élu, le bon pasteur ! Renoncez à tout ce qui est bon, à tous les plaisirs et surtout à votre pensée propre. Si vous souffrez, c’est pour être heureux, un jour, après la mort. Bénis soient les faibles d’esprit, car le Royaume des Cieux est à eux – mais rien d’autre, hein ! Il y a des puissants en ce monde qui tiennent leur pouvoir de moi : obéissez-leur, donnez-leur de grand cœur tout ce que vous possédez et regardez-les s’encanailler, s’enrichir et voler sans leur en faire reproche, puisque c’est ma volonté. »

Seulement voilà, c’est précisément ceux qu’Il a désignés comme ses Élus qui l’on viré à grands coups de pompes pour prendre Sa place. Le voilà à son tour asservi. Ce n’est que justice, me direz-vous, et vous aurez raison. Le seul souci, et c’est pourquoi l’Homme vit dans la terreur, c’est que ces nouveaux dieux-là sont bien plus redoutables que Lui. Faîtes donc le test : si vous prononcez le nom de Dieu en vain, vous avez autant de risques d’être foudroyé que de gagner la super-cagnotte du Loto. Allez insulter ne serait-ce qu’un flic dans l’exercice de ses fonctions et vous verrez si vous n’êtes pas foudroyé sur place !

Certains illuminés en sont, devant le désespoir de l’Humanité de trouver aide et compassion en son sein, à s’imaginer que des petits hommes gris venus de l’espace et possédant, a priori, des connaissances scientifiques bien plus évoluées que les nôtres – et de ce fait un pouvoir supérieur – se cachent parmi nous, dans le but de sauver la planète de la pollution et de la société de consommation.

LeCire and modified by Mabifixem : "Alien head"

LeCire and modified by Mabifixem : « Alien head »

Et on envoie des messages à travers l’ionosphère, dans l’espoir qu’E.T. viendra nous sauver – si ce n’est pas prier, ça ! C’est sans doute la prochaine religion qui est en train de naître : Dieu est mort, les Élus sont pourris, vive E.T. !

STOP ! Assez de sinistres petits hommes gris ! Assez d’appels à l’aide intersidéraux ! Assez d’invocation d’un supposé pouvoir supérieur dont les miracles ne sont que des manifestations de force ! Dans sa faiblesse l’Homme cherche perpétuellement la protection d’un surhomme, survivance inconsciente de la toute petite enfance, où les parents semblent être des géants protecteurs – ou pas… -, dotés de pouvoirs illimités, auxquels il est dangereux de désobéir. Les élites qui nous gouvernent l’ont bien compris, qui cherchent à nous abrutir et nous infantiliser par tous les moyens.

Il suffirait tout simplement que l’Humanité grandisse – intellectuellement, veux-je dire : on est déjà trop sur Terre ! -, pour qu’elle n’aie plus cette tentation de se mettre à l’abri en se soumettant au pouvoir d’un plus fort. Pour être libérée de son attirance pour la tyrannie – qui n’est rien d’autre qu’une infantilisation – et de son besoin de croire en Dieu – Papa ! Pour que chacun se prenne en mains individuellement – méthode Coué : « Je ne suis pas un mouton, donc je n’ai pas à suivre le troupeau ! » – et refuse alors que quiconque lui dicte sa conduite. Pour dépasser ce sentiment d’impuissance qui nous maintient dans l’enfance et nous pousse à obéir, et agir enfin en êtres libres.

Libres, pas puissants.

La liberté, c’est penser par soi-même. Penser par soi-même, c’est d’abord pouvoir formuler des idées complexes : cela demande un vocabulaire étendu. C’est aussi atteindre un niveau de culture suffisant pour prendre du recul et envisager les multiples évolutions possibles d’une situation.

La liberté, c’est se considérer comme un individu unique, différent. C’est par là même accepter que l’autre soit différent, lui aussi.

La liberté, c’est l’indépendance : je ne dépends de personne et personne ne dépend de moi. C’est donc renoncer à la fois à l’asservissement et au pouvoir.

La liberté, c’est la tranquillité d’esprit. C’est ne plus avoir peur. C’est vivre dans un monde en paix. C’est savoir qu’on mangera toujours à sa faim. C’est savoir qu’on restera en bonne santé.

L’Homme a l’intelligence nécessaire pour réaliser bien mieux que de rares miracles. Il a  l’intelligence nécessaire pour se libérer des guerres, des maladies et de la faim.

Il a l’intelligence nécessaire pour vivre sans dieux, sans lois, sans élus, sans élites, sans puissants, sans frontières, sans argent, sans miracles et sans peur.

Il a l’intelligence nécessaire pour être libre.

Il ne s’en sert pas.

C’est plus simple d’être un mouton.

Erin Liebt.

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