Le cœur a ses… instincts que la raison ignore

Les deux Frida - Frida Kahlo - 1939

Ce petit texte dépressivo-marrant, exhumé des strates profondes de paperasses dont débordent mes tiroirs, a été rédigé au siècle dernier, hé oui ! Je m’y reconnais, et en même temps… non, ce n’est pas possible que ce soit de moi ! Ai-je vraiment été si jeune et si… je ne trouve même pas les mots : si naïve ? si cruche ? si soumise ? si… ben, oui, cliché. Et mon style, est-il possible qu’il ait été si châtié ?

Diego et moi - 1949 - Frida Kahlo

Diego et moi – 1949 – Frida Kahlo

Si on s’écoutait, on les enverrait au diable, lui, son téléphone portable, ses humeurs, ses angoisses, ses manies et toutes ses encombrantes autant qu’innombrables ex en prime.

Pourquoi diantre ne le fait-on pas, alors que :

1 – On a suffisamment de problèmes comme ça.

2 – On déteste les téléphones portables.

3 – On est jalouse comme un pou – on ne se refait pas !

4 – On est trop paresseuse pour courir derrière les gens.

5 – On a des bouffées de chaleur en pensant à notre orgueil honteusement bâillonné.

Et surtout :

6 – Cette satanée ville est peuplée d’hommes charmants qui, certainement / sans aucun doute / fatalement ( ne rien rayer : il ne s’agit pas d’un QCM ) ne demandent qu’à nous prendre… (dans leurs bras virils Z’et musclés, hé !)

Alors donc, pourquoi sommes-nous aussi gluante qu’un vieux bonbon ?

… PARCE QUE !

Le cerf blessé - 1946 - Frida Kahlo

Le cerf blessé – 1946 – Frida Kahlo

Parce que :

1 – On est têtue.

2 – Ses ex font la même chose, on s’en voudrait de changer ses habitudes.

3 – On n’admet pas qu’on nous résiste.

4 – On lui a demandé cent fois s’il nous filtrait / évitait / en avait assez de nous / ne voulait plus nous voir ni nous entendre / nous aimait – non, pardon ! ça c’était à un autre ! À chacune de ces questions, il a répondu : « Mais noooon ! » (L’autre aussi d’ailleurs, y compris à la dernière, le mufle !) En aucun cas on ne se permettrait de penser qu’il n’est qu’un menteur / hypocrite / lâche.

5 – Il nous fait craquer.

Et surtout :

6 – C’est toujours quand on est prête à se donner au premier venu qu’il n’y a pas de premier venu.

Maintenant qu’on a pesé le pour et le contre, on comprend mieux pourquoi on ne sait pas quoi faire : ils sont à égalité. En résumé, on vient d’économiser le prix d’une séance de psychothérapie.

Sauf que tout cela n’explique pas pourquoi on ne tombe que sur des bizarres. À croire qu’on les attire !

Les exemples ne manquent pas :

Il y a eu celui qui, après un an de fréquentation, nous a dit : « Non, vois-tu, je ne t’aime pas vraiment. En fait, je te considère comme ma sœur. »

On n’a même pas cherché à savoir s’il lui faisait les même choses qu’à nous, à sa sœur.

Et aussi celui qui manque de confiance en lui et qu’on a si bien rassuré sur son pouvoir de séduction qu’il s’est tapé notre meilleure copine – enfin… notre ex-meilleure copine, maintenant.

N’oublions pas celui qui nous emmène quand il va draguer, parce que : « Dans un couple, le plus important, c’est la complicité. »

Quelques petites piqûres - 1935 - Frida Kahlo

Quelques petites piqûres – 1935 – Frida Kahlo

Celui qui va voir sa mère. Souvent. Très très souvent.

Mais finalement, on s’inquiéterait encore bien davantage si on y croyait.

Celui qui s’étonne : « Quoi, tu veux sortir seule ? Bin t’as qu’à sortir sur le balcon. »

Celui qui tourne au mystique et refuse de nous faire l’amour à seule fin de « conserver sa force ».

Et à l’inverse, celui qui nous fait l’amour et nous jette dès le lendemain matin, parce qu’il n’aime pas les salopes !

On n’évoquera même pas les différentes bizarreries et autres perversions plus ou moins sexuelles qu’on a dû… avaler.

Mieux vaut s’arrêter là : on frise déjà la dépression.

On rêve de vivre un conte de fée, le genre « La belle et la bête », avec un homme sauvage / viril qui nous prendrait fougueusement et nous traiterait comme une princesse, et on se retrouve dans « La belle et le bête », bref dans une histoire digne d’une série télé française ! Affligeant !

Peut-être est-ce de l’ordre de la perversion sexuelle : une sorte de jouissance scandaleuse autant qu’inconsciente qui nous pousse à tout accepter, voire même à nous humilier.

Quand même ! Comment admettre que notre sexualité aille se nicher si bas ? !

Il faut pourtant avouer que plus un homme nous utilise, nous rabaisse, abuse de notre bonté, nous trompe, nous fait tourner en bourrique, plus on s’accroche.

Parfois même, on en redemande. Quitte à l’aider à nous tromper, s’il le faut !

On peut tout accepter sans scène, sans grogne, sans mauvaise humeur aucune. Admirable ! On ne le vivrait pas, on ne le croirait pas. D’ailleurs, nous-même, on n’en croit pas nos yeux.

N’allez pas croire qu’il s’agisse d’aveuglement, de peur de la solitude ou de naïveté. Non, en fait, c’est du masochisme.

On aime souffrir.

C’est vrai.

Recuerdo - 1937 - Frida Kahlo

Recuerdo – 1937 – Frida Kahlo

Les hommes normaux / faciles à comprendre / aimants sont profondément ennuyeux. La preuve, c’est à eux qu’on réserve nos scènes et l’étalage de notre mauvais caractère.

Faut bien mettre du piment dans la relation…

Il faut se rendre à l’évidence : plus ils sont désaxés / désespérés / dégénérés, plus on les aime.

Peut-être tout simplement par instinct.

C’est pratique, l’instinct. On n’a pas à se chercher de raisons, puisque, par définition, l’instinct, c’est irraisonné.

On dira donc qu’on aime d’instinct un type d’homme bien déterminé.

L’instinct…

Mais quel instinct, au juste ?

De conservation ? De reproduction ? D’uniformisation ? De contradiction ? De transgression ? D’aberration ?

Non.

De complication, tout simplement.

Erin Liebt, 1998 ou 99, par là.

À la lumière de quelques années d’expérience(…s) de plus, je pense que c’est plutôt l’instinct de compétition qui nous anime. Ce qu’on veut, c’est gagner la partie.

Plus un cœur est difficile à prendre, plus la lutte est motivante : on veut être celle qui sera élue parmi toutes les autres, déclarée unique et adulée. Celle qui détient le seul pouvoir qui compte : celui de faire souffrir.

Ça ne sert à rien de quitter un homme qui ne nous regrettera pas…

 

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